Il faut bien comprendre qu'à la différence d'instrumentistes rock, jazz ou classiques, les artistes de musique électronique jouent rarement chacune des notes entendues. Généralement cette tâche est déléguée à des machines appelées séquenceurs. Celles-ci ont des mémoires dans lesquelles les musiciens chargent au préalable chaque mélodie, chaque ligne de basse, chaque rythme qu'ils souhaitent pouvoir jouer lors de leur concert.
Lorsque Lenny pilote les séquenceurs, il agit comme un chef d'orchestre qui assemblerait en direct des petits bouts de partition comme bon lui semble. Il peut ainsi reconstruire un même morceau de façon différente chaque soir, allonger une partie au-dessus de laquelle il souhaite improviser, mélanger ensemble des éléments de plusieurs morceaux, etc.
... avec un caméo de votre serviteur dans le public !
Le matériel d'Octave One évolue, mais lorsque je les ai vus cet été à Rotterdam pour l'Expedition Festival, c'était le MPC1000 d'Akai qui jouait le rôle de séquenceur principal, complété par l'Electribe EMX1-SD de Korg et le Beatstep Pro d'Arturia.
Les séquenceurs donnent le tempo et dictent donc les notes aux instruments, et pour ce faire ils utilisent un langage qui s'appelle le MIDI (pour Musical Instrument Digital Interface). Pour raccorder leurs séquenceurs à tous leurs instruments, Octave One utilise un petit utilitaire, le Quadra Thru de MIDI Solutions, qui permet de transmettre les messages MIDI à un plus grand nombre d'instruments.
Jusqu'ici nous parlons de synchroniser des instruments et de transmettre des "bouts de partition", mais pas encore de générer des sons, c'est pourtant ce qui intéresse tout particulièrement le public ! Commençons par les boîtes à rythmes : ces instruments servent à produire des sons de batteries et de percussions de manière électronique, soit en synthétisant ces sons, soit en jouant des échantillons.
À ce poste Octave One a principalement choisi le MFB-522, un instrument conçu en Allemagne à la fin des années 2000. Celui-ci utilise de la synthèse analogique, à la façon de la célèbre TR-808 que le japonais Roland fabriquait entre 1980 et 1983, pour des sons très "artificiels" mais caractéristiques de la musique électronique. La palette sonore est complétée avec la synthèse numérique de l'Electribe et les samples du MPC.
Viennent ensuite les synthétiseurs, qui sont des instruments particuliers parce qu'ils permettent au musicien de créer ses propres sons. Contrairement à une idée fausse très répandue, ce terme ne désigne pas tout instrument qui a des touches similaires à celles d'un piano et qui permet de jouer plusieurs sons différents : les claviers arrangeurs par exemple ne peuvent jouer qu'un ensemble de sons pré-chargés et ne sont donc pas des synthétiseurs.
Octave One vient avec un régiment complet de synthés ! De gauche à droite je reconnais :
- Mopho par Dave Smith Instruments, synthétiseur analogique monophonique, c'est à dire uniquement capable de jouer une note à la fois, est utilisé pour les "leads" (son principal pour la mélodie d'un morceau) et les basses
- Tetra, toujours Dave Smith Instruments, équivalent du Mopho mais capable de jouer 4 notes simultanément, utile par exemple pour les accords
- JU-06 par Roland, numérique polyphonique de 2015, c'est une modélisation du Juno-106, analogique vintage de 1984
- MeeBlip SE, numérique monophonique
- MAM MB33, analogique monophonique inspiré du Roland TB-303, célèbre pour ses sons dits "acides"
- Nord Micro Modular, numérique modulaire, ce qui signifie que ses composantes peuvent être assemblées librement pour plus de possibilité de création sonore
- Shruthi 1 par Mutable Instruments, numérique monophonique à filtre analogique, conçu en France et que l'on pouvait acheter en kit à monter soi-même
- Minitaur par Moog, analogique spécialisé dans les sons de basse
Il reste des sons que les synthétiseurs ne peuvent pas recréer : les voix et les instruments acoustiques. Pour jouer ceux-ci, Octave One embarque aussi le VP-9000 VariPhrase Processor de Roland, un échantillonneur qu'ils chargent avec des boucles de chant par exemple. Cet instrument est capable d'étirer les sons en temps réel, ce qui permet au groupe de ralentir ou accélérer les boucles pour les adapter au tempo en cours. Vient en renfort le SD4 de Ketron, une boîte à timbres capable d'imiter un grand nombre d'instruments acoustiques comme les pianos, les cordes ou les cuivres.
Pour sculpter encore plus ces sons, Octave One utilise les modules d'effets suivants :
- Kaoss Pad 3+ par Korg, multi-effet numérique contrôlé via une grande surface tactile
- V-Tone Bass BDI21 par Behringer, simulateur analogique d'ampli basse
- AdrenaLinn II par Roger Linn Design, multi-effet numérique
- Space par Eventide, effet numérique de réverbération
- NanoVerb 2 par Alesis, effets numériques de réverbération, écho et chorus
- H9 par Eventide, multi-effet numérique
Lenny pilote essentiellement les séquenceurs et synthés, et c'est Lawrence qui mélange et retouche les différents ingrédients. Pour ce faire il utilise une console de mixage 32 pistes, habituellement la Venice 320 par Midas.
J'espère avoir réussi à expliquer les grandes lignes de ce qu'il se passe sur scène lors d'un concert techno, et plus précisément dans le vaisseau spatial d'Octave One. N'hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous si vous avez trouvé cet article intéressant ou pour me demander des éclaircissements.
Même si vous trouvez cet article complètement glucose, pour finir en musique je vous propose ce concert d'une heure enregistré en 2014 par Boiler Room :
Pour rappel, Octave One sera en concert à Lille ce vendredi 25/11 dans le cadre du festival "Le Père Noël est-il un rocker".
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